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Presquevoix...
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28 janvier 2024

L’anniversaire

 L’école, Sophie n’aimait pas y aller. Des amies, elle en avait peu, et juste pour jouer aux billes, parfois. Dans sa classe, le maître fêtait les anniversaires et pour chaque enfant, il offrait une petite citation, qu’il donnait dans une enveloppe de couleur bleue, toujours la même couleur, car le maître était un amoureux du bleu, même pour ses vêtements.

Ce 29 janvier, Monsieur François – c’était le nom du maître –  donna à Sophie la petite enveloppe bleue à l’entrée de la classe en lui souhaitant un bon anniversaire. Elle l’ouvrit et la lut.

-          Elle te plaît ? lui dit le maître.

-          Oui, merci monsieur.

Puis ce fut la récréation avec ses jeux, ses discussions et ses disputes habituelles. Dehors, Eloise et Manon vinrent voir Sophie et, en lui tendant un cadeau enroulé dans un papier cadeau, elles lui dirent.

-          Tiens, c’est pour ton anniversaire.

Sophie les regarda surprise et prit le cadeau en les remerciant.

-          Tu ne l’ouvres pas ? dirent-elles en souriant.

Sophie l’ouvrit et c’est là qu’elle découvrit à l’intérieur de deux feuilles chiffonnées un caillou moche, si moche qu’elle n’aurait même pas voulu le prendre si elle l’avait vue par terre.

-          Tu trouves pas qu’il te ressemble un peu le caillou ?

Sophie ne répondit rien. Elle alla s’asseoir seule sur le banc au pied de l’arbre et elle relut la citation que le maître lui avait donnée et elle sourit : « J'ose demander de l'aide quand j'en ai besoin, et je n'oublie pas que ma différence c'est aussi ma force. "

PS : prochain texte, jeudi.

25 janvier 2024

Hélène

Tic Tac, Tic tac, la pendule égrène les minutes et les heures. Quelle pourrait être sa tactique ? Délicieuse, il la trouve délicieuse. Un bonbon sucré dans sa robe rouge, si frêle, si absente parfois. Faut-il qu’il pense à une tactique pour qu’elle le regarde et qu’elle l’aime ? Le coup de foudre n’existe-t-il que pour les autres ? Il pense toujours à elle en écoutant rêverie de Schuman. Il l’imagine entrer chez lui fraîche, délicate, s’asseoir l’air absent, emprisonner entre le pouce et l’index une boucle brune pendant que ses yeux interrogateurs se poseraient sur lui. Que pourrait-t-il lui dire ? Comment se faire aimer quand votre langue heurte les S et les Z et les enferme entre vos dents. Déjà enfant, il n’osait pas répondre. Mais elle, elle s’appelle Hélène et les Hélène ne se moquent pas de ceux qui zozotent, il en est sûr. Son zézaiement est-il une fatalité ? Hélène lui répondra-t-il ? Regarde-moi Hélène, regarde-moi encore, je t’aime Hélène. Oui il faut que je lui dise, il le faut…

PS : prochain texte, dimanche

 

21 janvier 2024

Rien ne vaut la vie !

Ce jour-là, Damien était rentré du lycée en disant à sa mère.

-          Je veux faire le SNU.

-          Et c’est quoi le SNU ? avait-elle demandé.

-          Le Service National Universel pour les jeunes de 16 ans.

Sa mère lui avait dit d’aller dans la cuisine pour qu’ils puissent en parler ; elle avait besoin de prendre un petit thé, vu la température ambiante. Damien avait accepté, mais avec une légère crainte. Il connaissait la « vivacité » de sa mère.

Une fois installés à table, elle l’écouta évoquer avec enthousiasme les quatre objectifs du SNU : transmettre un socle républicain, développer la culture de l’engagement, accompagner l’insertion sociale et professionnelle. A la fin Damien conclut.

-          J’en ai marre de l’école.

-          Et alors ?

-          Au moins je ferai quelque chose d’utile.

-          Ah oui, utile ? Pourquoi ?

Il ne répondit rien et là, la machine à colère de sa mère se mit en marche.

-          Une belle formation professionnelle que celle qui te permettra d’être tué en Ukraine pour sauver la France de l’invasion Russe, ou au Tchad ou en Irak ? Et pourquoi pas aussi en Israël ? C’est hors de question le SNU !

-          De toute façon, à 18 ans, je ferai ce que je veux !

-          C’est ça, Damien, tu pourras tuer les autres et te faire tuer où tu veux quand tu veux, pour  notre belle « Patrie » qui se fout de vous, les jeunes, d’ailleurs. Les trois derniers ministres de Macron ont tué le lycée et la nouvelle ministre met ses enfants dans le privé, drôle de ministre de l’éducation nationale, non ?

-          Bon, maman, je m’en fous de tout ça, et en plus tu dis ça parce que t’es prof et papa aussi.

-          C’est ça, je suis prof et bête. Et moi je te dis que notre cinglé de président – qui lui n’a pas d’enfants d’ailleurs - nous mène tous au casse-pipe !

-           Ah bon, tu crois ? Tu devrais quand même prendre un deuxième thé pour te calmer maman. Moi je vais réviser mon bac français.

Elle évita de lui faire une réflexion déplacée. Trop de conflits dans le monde, inutile d’avoir un nouveau conflit à la maison avec lui. Tout cela mènerait à une « guerre larvée » qui pourrait durer aussi longtemps que la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Elle réussit à sourire et à lui dire calmement.

-          C’est ça mon chéri, très bonne idée que d’aller réviser. Quant à moi, je vais aller marcher un peu, ça me permettra de méditer.

Il ironisa.

-          Bravo maman, je vois que tes cours de méditation font de l’effet.

-          N’est-ce pas ? Bientôt je sourirai du matin au soir, sauf si j’entends à la radio un membre du gouvernement !

-          Maman, n’écoute plus la radio, ça ira mieux !

-          Oui, et puis je pourrais hiberner aussi. A tout à l’heure !

Elle sortit en utilisant les larges respirations habituelles et elle remarqua qu’un rouge-gorge était installé sur l’une des branches de l’hibiscus. Elle sourit et partit en fredonnant une chanson de Souchon : « la vie ne vaut rien rien, rien ne vaut la vie »…

 

PS : prochain texte, jeudi.

 

18 janvier 2024

L’enfant dominé

Elle avait deux enfants, adorables, comme il se doit, une fille et un garçon. Une fille habillée en rose, et un garçon en bleu. Ils s’appelaient Sybille et Antoine : 5 ans et 7 ans. Ces enfants étaient les héros du « conte » Instagram de leur mère  suivie par 15 000 personnes.

Cette « influenceuse » était une mère merveilleuse, bien sûr ; souriante, aimante, aimée, dévouée – et amoureuse du corps de ses enfants, pensait l’Ange dont la mission était de surveiller Instagram en France, et notamment le compte de cette mère.

Son attention se portait particulièrement sur la place que prenaient – via leur mère -  les enfants de ces « contes » factices, et les dérives possibles. Certes, la loi dit que les parents ne disposent pas d’un droit absolu sur l’image des enfants, se disait l’Ange, mais ces pauvres petits, que peuvent-ils faire, confrontés au désir de leurs mères influenceuses et frustrées ? L’Ange ajoutait même parfois, « influenceuses de mes deux », car il était – contrairement à la majorité des anges – extrêmement grossier.  L’enfant subit – avait-il coutume de dire - le parent dispose, mais jusqu’où ?

Un soir, alors qu’il observait la mère prendre des photos de ses enfants pour la cent-millièmefois, il lui dit d’une voix grave : « La chosification des enfants et la négation de l’intégrité physique des enfants ne sont pas tolérables ! » 

La mère entendit cette voix venue d’ailleurs et regarda autour d’elle. L’Ange eut juste le temps de s’éclipser tout en se demandant si l’être humain n’était pas sur le chemin de la déshumanité !

PS : prochain texte, dimanche.

14 janvier 2024

Penser et rédiger

Deux heures durant, le nouveau premier ministre avait péniblement réfléchi - il est vrai qu’entre twitter et instagram sa concentration et son « esprit » n’étaient pas au rendez-vous - à son ébauche de discours d’entrée au poste de premier ministre. Il en était sorti le texte suivant :

« Avec moi, premier ministre Je vous promets, d’abord et avant tout, que l’autorité et la sécurité seront au cœur de notre pacte Républicain.  Je peux aussi vous affirmer que la France ne rimera jamais avec déclin car je vais libérer le potentiel de la « start up « France.

 Sachez aussi que notre école – berceau de nos batailles et de nos espoirs – enseignera à nos jeunes que la bienveillance n’est pas un vain mot quand on y adjoint trois autres mots importants :  laïcité, autorité et respect.

Je sais que l’énergie de notre pays, ce sont nos entreprises donc, nous allons simplifier la vie de nos entrepreneurs, hommes audacieux, courageux et créatifs. Bien sûr, je n’oublie pas les artisans, qui représentent cette France au travail et, eux aussi, nous les aideront. J’évoquerai aussi notre classe moyenne qui elle, attend de nous un bon en avant afin que son pouvoir d’achat puisse s’élever (…) »

Le nouveau premier ministre a ensuite transmis sa fragile ébauche au Rédacteur, comme il se doit. Celui-ci a maladroitement tenté de lui dire que l’introduction était « inappropriée » tout en soulignant l’importance d’éviter un style ampoulé et un « Je » répétitif. Puis, dans un souci de travail bien fait, il a tout de même dit au premier ministre qu’il avait oublié d’évoquer les services publics et le fait que la France n’était pas que le berceau des classes moyennes, des entrepreneurs et des artisans.

Le premier ministre, irrité, a regardé le rédacteur de toute la hauteur de sa petite taille et de sa jeunesse arrogante et suffisante, puis il lui a répondu, méprisant.

-          Monsieur le rédacteur, Je déciderai moi-même si les corrections sont appropriées ou non et ensuite, sachez-le, je vous vire ! Je n’ai nul besoin des conseils d’un rabat-joie qui ne connait du style que ce que la littérature lui en a enseigné. Ici, je veux du concret, du vrai, sans mensonge ni tabou !

Le rédacteur est sorti du bureau du premier ministre en grommelant un « petit abruti », répété trois fois, et qu’il a conclu, en souriant, par un « " Faut pas parler aux cons, ça les instruit !" *

* Michel Audiard

PS1 : Je tiens à préciser que toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé est purement fortuite.

PS2: prochain texte, jeudi

11 janvier 2024

Psychiatre et patient

Après 3 minutes de silence, le patient finit par dire.

- je dois m’échapper de cette vie, mais un million de fils me retiennent !

- Si je peux vous rassurer, il vaut mieux être retenu par des fils que par des flics ! Excusez mon humour, mais en cette période de manifestations, on finit par oublier qu’on est psychiatre.

- Tout ça me fait perdre le fil.

- Ouvrez les oreilles !

- Pourquoi ?

- Pour trouver le fil de vos pensées.

- Alors pour vous, les pensées c’est comme la vie, elles ne tiennent qu’à un fil ?

- Exactement, et de fil en aiguille vous arriverez au cœur du problème. Mais parfois, au moment où vous y arrivez, votre inconscient peut encore vous faire perdre le fil !

- Un peu comme nous actuellement ?

- Oui, mais je ne dirai pas nous mais vous, car je suis là pour vous écouter et c’est vous qui devez parler.

- Certes, mais depuis tout à l’heure vous parlez sur le fil de l’humour.

- Si vous le dites !

- Oui je le dis et redis et je vous rappelle que la séance me coute 50 euros à chaque fois.

- Exact.

- Alors, je commence.

- Enfin, vous voulez dire que vous continuez.

- Si vous voulez.

- Je vous disais donc que je devais m’échapper de cette vie, mais qu’un million de fils me retenait !

- Exact. Et les fils, pour vous, ça évoque quoi ?

- Que je suis sur le fil du rasoir et que je peux disparaître d’un moment à un autre.

- Parfait.

- Comment ça, parfait ?

- Eh bien on arrive à l’essentiel !

- Comment ça, l’essentiel c’est de disparaître ?

- Mais non, bien sûr. Je veux juste dire que là, vous avez un fil conducteur.

- Et qui me conduit où ?

- Ah, désolé, la séance touche à sa fin, mais vous êtes sur le chemin, pensez-y cette semaine.

- Oui, je pense donc j’essuie… mon porte-monnaie, et je vous donne 50 euros.

- Vous aussi vous avez beaucoup d’humour, monsieur Demore.

- Vous trouvez ? En tout cas, moi je préférerais trouver l’amour que l’humour.

- On peut avoir les deux, monsieur Demore. Allez, à mercredi prochain, même heure.

- Et même prix, non ?

- Exact !

Ils se quittent en souriant.

 

PS : prochain texte, dimanche.

7 janvier 2024

La nouvelle marionnette

C’était une marionnette actionnée par une armure en métal libéral. Elle ne savait dire que quelques mots, toujours les mêmes - « détermination », fierté française », « nouveau cap », « protéger », unir », « forte » « juste » « travail » « frontières » « sécurité » – et ses discours étaient fort ennuyeux. Tout comme Pinocchio, la marionnette mentait à longueurs de temps, mais son nez ne s’allongeait jamais. Elle avait néanmoins un infime rictus que les spectateurs ne voyaient pas, mais qui creusait une petite ride dans son visage sans vie. Vous aurez deviné sans doute que contrairement à Pinocchio, cette marionnette là n’apprendrait jamais de ses erreurs et jamais bien sûr, elle ne se repentirait !

Son nom ? Allez, je vous le fais connaître – ACROMAN. Pourquoi ce nom ? Parce qu’elle allait de branche en branche dans le labyrinthe de son grand Moi en bois et métal.

PS : prochain texte, jeudi.

3 janvier 2024

Penisman

On l’appelait Penisman parce qu’il avait le culte du membre viril. Quand certains  lui disaient qu’il pourrait peut-être modérer ses ardeurs culturistes en la matière, il répondait systématiquement.

- Moi, au moins, il ne me faut pas un microscope pour voir mon sexe !

Certaines femmes, s’étaient étonnées de sa chambre aux murs peints d’étuis péniens. Pourquoi ce choix, disaient-elles ? La réponse était toujours la même.

- J’aime peindre et les étuis m’inspirent. Plumes ou calebasses, les étuis péniens sont d’une grande beauté. Ils sont ici pour le bonheur des yeux, les miens et ceux des femmes qui entrent dans mon antre. Je pourrais ajouter aussi que le pénis est mon meilleur ami et l’étui aussi, car il me protège des lésions physiques ou psychiques. Quand je suis avec une femme, si je  sens mon pénis rassuré, je l’enlève. Sinon, je le garde.

Certaines femmes repartaient donc de chez lui sans qu’aucun acte n’ ait eu lieu, à part l’utilisation de la langue parlée ou non. D’autres restaient mais ne disaient jamais ce qui avait eu lieu dans la chambre aux étuis péniens. Sauf la dernière femme, une certaine Natacha Afrodita qui - avait-elle précisé lors de son entretien sur France culture - avait accepté d’être avec lui durant six longues nuits et six longs jours, le temps nécessaire à l’écriture de son livre « Le voyage du pénis » où elle retraçait le chemin de Penisman au pays de l’espérance et de la jouissance.

Succès de librairie – un million d’exemplaires écoutés -  le voyage du pénis » avait non seulement ému les lecteurs, mais aussi convaincu le public masculin qu’en chaque homme vit un pénis qui s'ignore.

 

PS : prochain texte, dimanche.

 

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