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Presquevoix...
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29 janvier 2021

Quotidien

Cette nuit j’ai rêvé de la mer. J’étais sur une plage, je rentrais nu dans l’eau et la mer m’a mordu avec ses vagues d’écume. Je crois que sous le joug des contraintes, je deviens fou.

Aujourd’hui, par exemple, au lieu de demander où était la rue des emmurés, j’ai demandé où était le cap de l’utopie. Le type m’a regardé bizarrement et m’a répondu en articulant.

-          Il n’y a plus d’utopie dans ce monde.

Je lui ai dit merci, et je suis partie à toutes jambes. Oui, je deviens fou, une folie douce peut-être, mais une folie tout de même.

Au travail – nous sommes « en présentiel » comme ils disent - je passe de longs moments à regarder, à quatre mètres de moi, ma collègue de bureau, Marion. Elle n’a rien de particulier Marion, mais comme je vis seul, je ne peux m’empêcher de l’observer et de rêver.

Marion, elle, ne regarde que son ordinateur. Il faut dire que ses enfants et son mari défilent sur son fonds d’écran. Je me suis toujours demandé pourquoi les gens affichaient leur vie privée au bureau. Marion veut-elle que je l’envie ?

Moi, je n’envie personne ; et surtout pas moi. Je continue ma vie stérile dans ce monde sécuritaire sous pandémie numérique et, le soir, quand je rentre chez moi, je m’immerge dans ma baignoire et je rêve aux îles dans lesquelles je ne suis jamais allé…

 

 PS : prochain texte, lundi premier février

25 janvier 2021

L’autre monde

Quand on est mort, est-on mort ? C’est ce à quoi elle avait pensé en faisant un court voyage dans ce blog qu’elle tenait depuis de nombreuses années.

Le blog ou le pays des bonheurs fugaces, un mini-univers qui lui permettrait d’entretenir un lien - ce fameux lien que l’on disait « manquant » depuis que la Covid avait fait son entrée troublante sur terre - entre écriture, humour, lecture, échanges, rires et sourires.

Oui, quand on est mort, est-on mort ? Que fera-t-elle de son blog quand elle sera morte ? Ou plutôt – devrait-elle dire - qu’en feront-ils ? Sans doute devrait-elle leur dire de le faire disparaître après son avis de décès. Tiens, il faudra vraiment qu’elle écrive ce dernier texte. Comment l’intitulerait-elle ?

Que la mort s’insinue dans son esprit que la neige du jour avait ébloui ne la chagrinait pas, au contraire ; cette glissade blanche l’avait apaisée. Lier connaissance avec cette étrange compagne était le début d’une marche qu’elle continuerait à faire dans le grand monde des rêves, peut-être, avant de…

 

PS : prochain texte vendredi prochain.

 

21 janvier 2021

Le patient

Depuis qu’on lui avait mis une œuvre d’art dans la chambre de l’hôpital psychiatrique, il allait mieux. Cette œuvre, il l’avait choisie lui-même et il passait des heures en face d’elle, la tête dans les nuages, les yeux voguant d’une couleur à l’autre, d’une fleur à l’autre. Tout s’était apaisé : son corps, son esprit et sa voix. Aussi, quand le médecin lui dit qu’il allait sortir le lendemain, il l’implora de le garder une semaine de plus.

-          Une seule semaine, une seule suffirait pour que je comprenne toute la beauté de cette toile et que je m’en imprègne. Et comme ça, je sortirais définitivement guéri. Je vous le promets.

Le psychiatre l’avait attentivement écouté, puis il avait conclu.

-          Michel, cette œuvre vous l’avez déjà vu quinze jours et elle est déjà en vous, croyez-moi. Jamais elle ne vous quittera ; à moins que vous, vous ne le souhaitiez.

Michel acquiesça, remercia le psychiatre et partit le lendemain avec son sac à dos afin de suivre, peut-être, un nouveau chemin…

 

PS :  texte écrit après avoir lu cet article de télérama

Livre, l’art qui guérit, de Pierre Lemarquis

 

  • Prochain texte, lundi 25 janvier.

 

18 janvier 2021

La collègue

A chaque fois qu’elle croisait sa collègue Marianne dans la salle des professeurs - semi-déserte depuis l’arrivée du Covid - elle savait qu’elle allait rire un peu, et le rire était une espèce en voie de disparition avec la pandémie. Ce jour-là, elle lui dit.

-          Alors Marianne, la forme ?

-          Oui, enfin une forme Covid.

Et Marianne poursuivit avec sa verve habituelle.

-          Je viens d’avoir un cours avec une classe de RACNAC.

 Sa collègue Marianne adorait les sigles.

-          RACNAC ? lui demanda-t-elle.

-          Oui, des élèves qui n’en ont rien à chier, et qui deviennent nul à chier.

-          Zut alors, comment des élèves peuvent ne prêter aucune attention à  tes cours d’excellence ?

Marianne sourit et ajouta.

-          Heureusement, grâce au Covid, nous passons de la classe à 34 élèves à la classe à 17 élèves, et ça, c’est le bonheur, non ? Enfin, toi, avec ton maximum de 10 élèves par cours, tu es loin de tous ces problèmes !

-          Oui, je sais, je suis une privilégiée ; tu aurais dû enseigner une langue dite rare. Mais dis-moi, avec tes 17 élèves par classe, tes RACNAC ont changé ?

-          Ah non, bien sûr, mais moi oui, je suis plus détendue. J'aurais presque envie que le Covid dure. J’attends tout de même avec impatience ma retraite, enfin, dans 20 ans !

Elle n’avait pas osé lui dire que dans 20 ans, peut-être que le mot « retraite » n’existerait plus, qui sait ?

 

PS : prochain texte, jeudi prochain.

 

16 janvier 2021

Le sapin

Son sapin de Noël était en plastique – valable dix ans, disait la boîte - et elle avait décidé de garder cette étrange décoration – les objets choisis étaient une invitation au voyage -  jusqu’à la fin du mois de janvier, contrairement à ses voisins qui envahissaient la rue de leurs arbres morts qui ressemblaient  à la couleur de leurs yeux.

Les yeux ne sont-ils pas de  tristes défunts, dans le monde du Covid ?

 PS : prochain texte lundi.

 

 

 

14 janvier 2021

Caméras

Il faisait la grimace à toutes les caméras qu’il voyait dans les rues, les magasins, les administrations, les transports.

Ceci, jusqu’au jour où une voix venue d’ailleurs lui a dit.

-          Ça suffit !

Lui aussi a répondu « Oui, ça suffit, depuis le temps que vous me regardez. J’en ai marre. Je vais me plaindre aux autorités ! »

La voix n’a pas aimé – dans ce pays l’humour était interdit -  et il s’est retrouvé au trou. Pour combien de temps, ça, on ne lui avait pas dit. D’ailleurs, sortirait-il un jour ?

11 janvier 2021

Le tête à tête

Elle observait la scène de loin et elle commençait à s’impatienter. Cela faisait dix minutes qu’ils étaient face à face. Lui était-il déjà arrivé, à elle, de mettre dix minutes pour prendre une photo ?

Mais que pouvait-il dire à une statue ? Elle essayait de se raisonner mais maintenant elle en était sûre. Il faisait semblant de prendre la photo pour se faire plaindre. Rien de telle qu’une femme muette pour développer le goût de la parole chez l’homme. Et le pire, c’est qu’elle semblait l’écouter.

Elle n’y tint plus.

-          Alors, tu n’as pas encore pris ta photo ?

Il ne se hâta pas de répondre et, au bout d’un temps qu’elle jugea trop long, il articula.

-          Tu n’es pas obligée de m’attendre. On se retrouve à la sortie.

La guerre était déclarée. Elle fit un tour du musée à grands pas et n’admira aucun des tableaux qu’elle aurait dû admirer, exprès. La sortie fut atteinte en moins de quinze minutes. Elle pourrait ainsi lui dire qu’elle l’avait attendu une heure.

Sans doute savait-elle que chaque énervement déclenchait en lui de terribles migraines. Ce qu’elle ne savait pas, par contre, c’est que ce soir-là, il lui dirait qu’il partirait au cœur de l’Amazonie, chez les Tupi Guarani, loin d’elle et de ses stupides querelles...

 

PS : prochain texte, jeudi.

 

9 janvier 2021

Le charcutier

M Grodoigt était charcutier- traiteur. Une vocation, chez cet homme qui avait récemment perdu trois de ses doigts avec son hachoir. C’est sans doute pour cette raison que des plaisantins avait écrit sur les murs de sa boutique :  « Fais gaffe, il faut du doigté pour être charcutier !  »

M. Grodoigt, pendant une semaine, avait dit à tous ses clients qu’il les retrouverait ces « connards ».

Il les avait trouvés, et le premier « connard », c’était son fils…

 

7 janvier 2021

Voyager

« (…) Les étrangers ont souvent la malchance de n’observer dans le pays qu’ils visitent que ce qu’ils veulent bien voir et la raison pour laquelle tant de gens se déplacent est tout simplement qu’ils désirent obtenir la confirmation de leurs idées fausses et la multiplication par deux de leurs préjugés (…)*

Dans le monde du Covid nous ne voyageons plus à l’étranger - ou si peu - mais ne voyageons-nous pas au pays des préjugés, ce pays ou la vie est si simple ?

 

*Stig Dagerman, la dictature du chagrin

PS : prochain texte : dimanche.

 

4 janvier 2021

Croire

Elle lui avait demandé pourquoi il était croyant et il lui avait répondu simplement : « Parce que je suis croyant. »

Agacée, elle avait ajouté.

-          Très bien, mais pourquoi Dieu ?

Il avait hésité et avait finalement fini par ajouter.

-          Sans doute à cause de la Bible, c’est mon livre de chevet. Et puis, j’aime les rituels. Et toi, Dieu, ça ne te tente pas ?

C’était bien la première fois qu’il lui posait une question personnelle. Elle en fut étonnée et cela la sortit de ses « croyances » habituelles sur ses semblables. Elle fut obligée de réfléchir un tantinet avant de conclure.

-          Dieu, certainement pas. Je préfère le voyage intérieur, tu vois ? Comprendre pourquoi je suis comme je suis.

-          Ah, il est vrai que Dieu occupe beaucoup d’espace.

-          De toute façon, j’ai tellement de livres à lire, alors la Bible chaque soir …

Il sourit. Elle aussi. Il en profita pour lui demander.

-          Tu ferais l’amour avec moi ?

-          L’amour avec une non croyante ?

-          Eh bien oui. Dieu ne l’interdit pas. Montons ensemble sur le Mont Sinaï, ajouta-t-il en souriant

-          Nus dans la lumière ou nus dans l’obscurité ?

-          Nus dans la lumière, décida-t-il

C’est ainsi qu’ils firent l’amour pour la première fois. Cet homme – il s’appelait Adam et elle Anna - était un être subtil et, son art du don n’avait d’égal que son art de la musique du corps de la femme.

Était-ce ça, la main de Dieu, pensa Ana après voir atteint le mont Plaisir ?

 

PS : prochain texte jeudi 6 janvier.

 

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