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Presquevoix...
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29 décembre 2020

L’année du diaphragme

Depuis une semaine, elle passait une grande partie de son temps à toucher son diaphragme, ce qui rendait toute conversation difficile. Inspiration, expiration étaient les deux mots qu’elle prononçait en boucle. Son compagnon finit par lui dire.

-          Bon, mais à part le diaphragme ?

-          Comment ça « à part le diaphragme ? dit-elle énervée.

-          Eh bien tu ne parles que de ça depuis une semaine, comme si le monde n’existait pas en dehors de lui.

Elle continua à lire son livre « Respir-actions » et ne répondit rien.

Un an avec lui, seulement, et l’angoisse, le stress, les entraves, les nœuds, les crispations l’envahissaient. Quant allait-elle l’expulser ?

Au bout d’un quart d’heure de lecture, elle finit par lui dire.

-          C’est ce qu’on appelle « l’annus horribilis », non ?

-          C’est-à-dire ?

-          Eh bien une année douloureuse, tu vois ?

-          Douloureuse à cause du diaphragme ?

-          Pour te dire la vérité, je crois que si tu n’étais pas là, mon diaphragme irait bien mieux.

Il la regarda, étonné et finalement, il décida que l'heure était venue.

-          Eh bien, je te laisse en couple avec ton diaphragme et moi je pars sur la route de mon pénis. La vie sera ainsi plus tranquille pour toi. Quant à moi, peut-être que je deviendrai un « penispliquateur ».

Elle se sentit obligée d’ajouter.

-          C’est-à-dire ?

-          Tu sais, ces prophètes qui sont persuadés que les femmes ne pensent pas, ou mal, très mal.

-          Tu te trouves drôle ?

Il alla faire sa valise en vingt minutes exactement et constata qu’une fois dehors, à l’air libre, il inspirait et expirait bien mieux.

 

PS : prochain texte le samedi deux janvier 2021

26 décembre 2020

La famille est-elle une navigation au long cours ?

Ces deux sœurs étaient aux « antipodes », mais habitaient dans le même quartier. L’une appartenait au groupe « Libérez les tétons », et l’autre était membre de l’« association pour le port du voile ». L’une accusait l’autre d’overdose de vulgarité, tandis que l’autre, adepte de la lucidité, accusait sa sœur d’aveuglement.

Comment avaient-elles pu ainsi s’éloigner ? Sans doute parce que l’une avait opté pour le père, et l’autre pour la mère. Un couple de parents qui vivait ensemble, dans la même maison, mais à deux étages différents. Jamais ils ne se parlaient ou ne mangeaient ensemble. Quand la communication était indispensable, ils s’écrivaient ou passaient par leur fils qui lui, jouait un rôle de médiateur, non seulement entre ses parents, mais entre ses sœurs.

Certains amis disaient qu’il y avait en lui quelque chose d’un Christ. Lui, bien sûr, ne se voyait nullement ainsi et disait parfois, à ceux qui parlaient de famille avec lui, notamment à l’approche des fêtes de Noël.

-          La famille, c’est des chemins qui bifurquent et une telle bifurcation peut conduire à la séparation. Pour ma part, je pratique la navigation, j’ai commencé à l’âge de dix ans et, comme le disait quelqu'un dont j'ai oublié le nom : "Toute navigation est incertaine ; prends pitié du malheureux qui a fait naufrage." C'est ce que je fais sur mon bateau et dans ma famille ; et cela ne me pose aucun problème. Naviguez, et vous verrez qu’ainsi la mer familiale vous semblera différente…

 

PS : prochain texte mardi 29 novembre.

 

23 décembre 2020

Esprit es-tu là ?

Cet homme était fade, si fade que je l’ai mangé. Etrange me direz-vous, mais bien m’en a pris. Aussitôt après, un fruit est né dans mon ventre, un fruit qui a grossi, grossi, grossi et m’a ouvert l’esprit ; contrairement à ce que les gens pensent, court est le chemin qui mène du ventre à l’esprit.

PS : prochain texte, samedi 26 décembre.

 

21 décembre 2020

La foi

Marianne m'avait dit derechef, à la fin de notre conversation sur nos familles respectives.

- Toi, tu es de mauvaise foi.

Ce à quoi j'avais rétorqué.

- Quoi, nous n'avons pas la même foi ?

- Drôle, a-t-elle répondu le regard aigre-doux. Puis elle est partie.

Le lendemain, elle m'appelait pour que nous nous retrouvions l‘après-midi au café « La Panthère Ose », et dès mon arrivée, elle a précisé.

- Au fait, c'est toi qui payes parce qu'avec ce que tu m'as asséné hier, je le mérite.

- Ah bon, mais qu’est-ce qui t’a offusquée ?

- Tu es vraiment de mauvaise foi, Léa.

Et j'ai répondu.

- La foi est un bien étrange pays Marianne. D’ailleurs, la foi, qu'elle soit bonne ou mauvaise, elle nous conduit tous au même endroit.

- Où ?

J'ai hésité à lui répondre mais devant son insistance, j'ai précisé en souriant.

- Au ciel, bien sûr, puisque la foi est en toi.

Depuis, elle ne m'a plus jamais téléphoné ; pourtant, je lui avais offert l’énorme glace à la crème chantilly qu'elle avait dévorée en toute bonne foi...

 

17 décembre 2020

Les mots d’Ariane

Ariane était accoucheuse de mots, une profession rare, mais belle, si belle, disait-elle. A une femme qui ne croyait pas aux bienfaits de son métier, elle avait dit en souriant.

-          Vous savez, accoucher des mots, c’est comme accoucher d’un enfant, douloureux, parfois, mais si beau.

Au cours de l’entretien que nous avons eu, j’ai essayé de tisser ce fil d’Ariane. Au début, elle m’a dit.

-          Il est plus facile d’être sage pour les autres que pour soi, mais les mots peuvent nous aider sur ce chemin, et moi, ces mots, je les accouche, en trois ou quatre séances. Tous, quels qu’ils soient : les petits et les grands, les subtils et les bruts, les purs et les impurs, les sombres et les lumineux, les vrais et les faux, les mystérieux et les ostentatoires, les démunis et les puissants. Tous, vraiment tous.

Je n’ai pu m’empêcher, ensuite, de lui poser cette autre question, car qui peut croire que les mots sont accouchés en trois séances et qu’après, la vie s’ouvre en nous.

-          Et comment sortent-ils, ces mots ?

-          D’une façon simple. D’abord, je ne travaille qu’avec des femmes et à chaque accouchement elle se placent dans la position qui leur semble la plus simple pour mettre au monde. Certaines s’allongent, d’autres se mettent accroupies, d’autres assises, comme elles veulent. Et elles le font naturellement, même si elles n’ont pas eu d’enfant. Mais leurs yeux sont entourés d’un bandeau, les miens aussi, car les mots veulent naître sans que la vue ne les juge ; les prononcer suffit.

Il me manquait alors une dernière question pour que cette méthode, dite naturelle, me semble pouvoir ouvrir une autre route, au cas où.

-          Et que fais-tu si les mots ne suffisent pas à changer la vie ?

-          Nous passons alors au corps, mais le corps, c’est encore un autre voyage ou une autre histoire.

 

PS : prochain texte, lundi prochain.

 

14 décembre 2020

Attention aux contacts…

Il lui avait dit qu’il était con-contacts et qu’il ne pourrait pas la voir ce soir-là au risque de la contaminer. Et, avait-il ajouté, sache qu’être con-contact peut très mal se terminer, en précisant.

-          Les cons sont une espèce en voie de propagation. Un con, un seul, peut – comme le COVID – contaminer trois autres personnes. Bien évidemment, aucun masque possible et surtout, aucun vaccin anti-cons ne pourra diminuer l’épidémie, et c’est là que le problème devient extrêmement grave. Tu imagines ce que cela donnera à l’échelle de la planète ?

Habituée à ses petites folies passagères, elle avait tout de même fini par lui poser une question importante.

-          Et comment reconnaît-on un con ?

-          Eh bien, je peux te donner un exemple. J’en connais un qui crée des Grenelles – ou des dispositifs si tu préfères – à toutes les sauces. Il a même créé un site « pisserdansunviolon.com » pour mettre en place ses projets. Eh bien, assister à un Grenelle peut-être une cause de contamination ! Mais il y a d’autres exemples, bien sûr.

Elle le remercia de son explication et réfléchit à ce problème toute l’après-midi. Grand bien lui fit, parce que dès que son supérieur hiérarchique lui parla d’un nouveau « dispositif » à mettre en place dans l’entreprise. Elle se méfia.

-          Un genre Grenelle, quoi ?

Il la regarda d’un œil noir et ne répondit rien. Là, elle comprit immédiatement qu’il cherchait à la contaminer pour qu’elle-même contamine le personnel…

 

PS : prochain texte, jeudi.

 

 

10 décembre 2020

Drôle de drame

C’était juste un jour comme les autres et, comme elle était très en avance, elle s’était assise devant la porte d’entrée du lycée avec sa pancarte qui disait :

 

Le chauffeur de l’Education Nationale nous mène droit dans le mur.

Il nous méprise alors méprisons-le, lui et ses réformes bidon.

Stop au massacre

Stop aux mensonges

Résistons !

Elle avait refusé de bouger et un collègue était venu lui donner main forte en s’allongeant dans la largeur de la porte d’entrée. Elle ne le connaissait même pas, mais avec les masques, qui reconnaissait-on ?

La police était arrivée très vite. Il faut dire que les élèves refusaient d’entrer dans l’établissement en disant qu'ils ne passeraient pas sur le corps des professeurs.

Face aux policiers, ni elle – ni lui – n’avaient voulu partir de l’endroit où ils étaient ;  elle leur avait poliment répondu.

-          Je vous en prie, gardez-nous si vous le souhaitez.

Et ils les avaient portés jusqu’à leur véhicule. Quel beau départ, s’était-elle dit, surtout à deux. Tous les élèves – et certainement les siens – regardaient la scène, étonnés.

Ce jour-là, elle avait 4 heures de cours où, en général, par ces temps de COVID, les élèves défilaient les uns derrière les autres avec la même inertie ou la même non-volonté de se mettre au travail.

Dans l’antre de la police – et ça elle ne s’en remettrait peut-être pas - ce qu’elle avait vu dépassait l’entendement. Elle avait essayé un mot d’humour mais elle avait vite compris qu’au royaume de la police l’humour n’était pas de mise. Son collègue, lui, avait continué un ton plus haut et elle se rendit tout de suite compte – mais pas lui - qu’en terrain ennemi, il valait mieux se taire…

 

PS : prochain texte, lundi prochain.

 

7 décembre 2020

Le syndrome des chimères

 

 

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Installée au café royal, juste avant le confinement du mois de mars, elle avait vu un homme s’installer à sa table, sans même lui demander son avis. Elle avait posé le livre de l’intranquillité sur ses genoux et n’avait rien dit – une habitude qui datait de son enfance. Il n’avait pas tardé à parler.

-          Je suis bipolaire et vous ?

-          Française et vous ? avait-elle répondu. Elle avait toujours adoré répondre à côté des questions posées.

-          Français, et iranien, peut-être.

-          Peut-être ?

L’homme se tut. Il avait un visage long et émacié. Peut-être était-il iranien, mais peut-être était-ce une chimère. C’est exactement à ce moment-là qu’il lui dit.

-          Vous ne seriez pas une chimère ?

-          Moi ?

-          Oui, vous. En vous regardant de profil tout à l’heure, j’ai pensé qu’avec vos cheveux vous aviez une tête de lionne. C’est quoi votre pouvoir ?

-          Mon pouvoir ?

Sa voix peu à peu glaçait sa peau ; il lui semblait qu’il voulait tracer un chemin en elle pour s’éloigner du sien, trop douloureux.

-          Oui, vous avez un pouvoir, ça se voit dans vos yeux si bleus, si profonds. Dites-moi lequel ?

Pourquoi lui avait-elle confié qu’elle lisait l’avenir ? Et, le plus surprenant, c’est que non seulement, elle lui avait lu son avenir dans les lignes de sa main longue, si longue que la mer y étalait d’étranges vagues  sombres, mais qu’ elle était entrée dans l’antre de l’homme inconnu tout en sachant parfaitement qu’elle n'en sortirait pas à moins de faire disparaître le croque-mitaines caché en lui qui mangeait son âme…

 

PS : prochain texte, jeudi 10/12.

Visitez les éditions irrégulières...

3 décembre 2020

Son truc

Son truc à lui, c’était le harcèlement textuel. Jusqu’à présent, aucune des femmes qu’il avait choisies n’avait été « séduites » par sa prose, mais le grand soir viendrait, il le savait.

Le week-end, après ses longues pages d’écriture, il regardait ses DVD préférés, le chapelet à la main, non parce qu’il se sentait déprimé mais pour que  le Christ l’aide sur son chemin de croix textuel. Cette prière répétitive l’apaisait à tel point qu’il se disait que pour Noël il demanderait à sa sœur – qui, elle, ne croyait qu’en la Finance - de lui acheter un chapelet en argent.

Tous deux passaient Noël ensemble depuis le décès de leurs parents, il y a sept ans. Ni l’un ni l’autre n’avaient d’enfants ni de conjoint et, ce repas familial à deux, le soir de Noël, n’était suivi d’aucun autre repas le reste de l’année. Il faut dire que leurs professions – elle dirigeait une grande banque et lui était lecteur chez un éditeur parisien – les éloignaient, de même que leurs souvenirs d’enfance, si différents.

En général, il pensait à ce repas de Noël une semaine à l’avance afin d’éviter que leur conversation de Noël ne sombre dans le silence. Il imaginait en boucle les sujets à aborder : ceux du travail, des loisirs et des vacances. Sauf qu’en cette période de COVID, les vacances et les loisirs il n’y en avait point eu.  

Et s’il lui parlait de ses lettres aux femmes aimées en lui disant qu’il s’agissait de son premier roman ? Bien sûr, il lui faudrait ajouter que le personnage lui avait été inspiré par l’un de ses amis. Oui, une très bonne idée, et le chapelet l’aiderait dans cette conversation « spirituelle » avec sa soeur …

 

PS : prochain texte, lundi prochain.

 

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