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Presquevoix...
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31 décembre 2007

La liste de mes ennemis

Il est plus facile de se choisir des ennemis que des amis, c’est la conclusion à laquelle il était arrivé en attendant son tour dans cette salle d’attente où le médecin avait jugé bon de passer une musique doucereuse qui l’angoissait plus qu’elle ne le calmait. Il avait  une liste d’ennemis impressionnante que lui seul connaissait. Il y avait les « ennemis pour rire » et les « ennemis pour de vrai ». Dans la catégorie “ ennemis pour rire ”, il mettait en tête de liste le boucher : voilà 12 mois que celui-ci s’obstinait à lui faire de gros steaks hachés alors qu’il lui en demandait des petits ; il aurait pu changer de boucher, certes, mais il préférait se garder un ennemi, question de principe. En tête de la catégorie “ ennemis pour de vrai ”, il y avait son ex-femme. Quand il lui avait fait part de sa décision de la quitter, elle lui avait donné, écrite à l’ordinateur, la liste en cinquante items de tout ce qu’elle lui reprochait : il ne l’avait pas supporté. Voir alignés, le doigt sur la couture, près de 50 « travers » qu’il ne se connaissait même pas l’avait anéanti ! Et, à cause d’elle, il se retrouvait dans la salle d’attente du psychiatre, obligé à écouter une musique qu’il détestait, alors qu’auparavant tout allait bien…

29 décembre 2007

Les illusions, c’est comme les cheveux…

Les illusions, c’est comme les cheveux, on les perd en vieillissant ! En ce qui me concerne je suis chauve de naissance, alors…  J’ai toujours regardé la vie avec les yeux de l’acteur lucide qui sait parfaitement que les illusions qu’il incarne ne sont que des ombres destinées à peupler le cimetière de sa mémoire.

28 décembre 2007

La Gifle

Elle est assise sur sa chaise face au bureau. A gauche, la fenêtre laisse passer un havre de lumière mais elle ne peut faire un mouvement. Son regard fixe le cahier de mathématiques ouvert à la page du problème. Les doigts aux ongles rouges se croisent et se décroisent. Elle respire à peine. Les nombres aussi se croisent et se décroisent sur le cahier d’exercice, l’énoncé du problème glisse sur les lignes blanches, son esprit se brouille et elle ne voit plus rien. la femme assise à côté d’elle la rappelle à l’ordre.

- Alors, ça vient ?

La petite fille ne répond pas. Elle voit les ongles longs et rouges s’impatienter sur le bureau mais elle ne trouve rien à répondre, le vide.

- Alors, tu réponds oui ou non ?

Cette fois ci, elle n’y échappera pas, il lui faut trouver une réponse qui autorisera une respiration, un répit avant le drame. A toute force son intelligence imagine une question qui lui laissera le temps de comprendre l’énoncé.

- Mais maman, je ne comprends pas pourquoi….
- Quoi ? Tu n’as pas encre compris ? Mais tu le fais exprès ? Tu ne risques pas d’aller jouer avec tes copines. Tant que tu n’auras pas terminé ce problème tu resteras là, même si ça dure jusqu’à ce que ton père rentre !

La sentence est tombée : pas de problème résolu, pas de jeu. Et son père ? Que dira-t-il ? Pourquoi la torture-t-elle ? Pourquoi n’a-t-elle pas le droit de ne pas comprendre ? Est-ce que ses copines passe aussi leur temps courbées sur leurs devoirs ?

- Relis-moi tout de suite ce que dit l’énoncé et change de tête, hein, sinon je sens que je vais m’énerver !

L’enfant entend le battement des ongles pointus sur le bureau et elle n’ose pas la regarder. Elle sait d’avance que ses yeux noirs l’étrangleront. Mais pourquoi s’acharne-t-elle ? Il faut qu’elle trouve le courage de lui dire quelque chose.

- Mais maman, c’est pas ma faute si…
- C’est jamais de ta faute. Tais-toi ou je te gifle !

La petite fille se replie sur sa chaise et son regard s’arrête sur le problème de mathématiques. Elle ne peut plus rien déchiffrer, les lettres semblent s’aligner pour ne former aucun mot. Un larme roule sur l’énoncé. De peur d’être grondée, elle la frotte rapidement de sa manche, mais deux lettres disparaissent en laissant de longues traînées noires. Sa mère crie.

- Ca c’est trop fort ! Maintenant tu pleures ! Arrête ou je te gifle !

L’enfant essaie de ravaler ses larmes, mais rien n’y fait.

- Relis l’énoncé à voix haute ! Ne crois pas que tu vas t’en sortir avec des larmes !

Elle ânonne le problème, hache les mots, répète les syllabes qui ne forment plus qu’une bouillie verbale. Une fois arrivée au bout, sa mère tempête.

- Maintenant, réponds et cesse de sangloter ou… je ne sais pas ce qui me retient de te la donner !
- C’est pas ma faute maman…
- Tiens, prends ça si c’est pas de ta faute !

La gifle la déséquilibre et sa tête heurte le radiateur. Elle se retrouve au sol, la chaise renversée, le cahier à ses pieds. Sa tête lui fait mal, mais plus que la douleur, c’est l’injustice qui lui martèle douloureusement les tempes. Elle entend un claquement de porte et la voix qui hurle en s’éloignant.

- Mais qui est-ce qui m’a fichu une fille pareille ! Je vous le demande !

Elle est seule dans le silence de la chambre. Elle déteste l’école. Elle la déteste !

27 décembre 2007

Le p'tit vélo…

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- Dis, t'aimes bien mes genoux ?
- Oui, ils sont beaux tes genoux.
- T'aimes bien mes mollets ?
- Oui, ils sont beaux tes mollets.
- Et mes pieds ? Tu les aimes ?
- Oui, ils sont beaux tes pieds.
- Et mon vélo, tu l'aimes mon vélo ?
- Oui, et c'est pour ça que je t'aime, pour ce p'tit vélo qui tourne dans ta tête et qui me précède toujours d'une longueur… Dis, comment tu le graisses ?

* photo prise par mon mari, C.V, sur son vélo, dans un moment d'ennui...

26 décembre 2007

De l’art de dissimuler

Quand elle était enfant, pour être libre,  elle devait dissimuler : dissimuler tout et tout le temps ! Elle cachait les papiers de bonbons et les cigarettes – de préférence sous le matelas du berceau des poupées, relégué au grenier ; elle cachait aussi les bulletins de notes, les interrogations écrites, les rancœurs, les bonheurs, les espoirs, les désespoirs, les secrets, les chagrins… Il fallait surtout que rien ne se sache, que rien ne transpire ! Pourquoi ? Parce qu’elle était sous l’Oeil… Ne rien dire et ne rien laisser voir, telle aurait pu être sa devise.
C’était un sphinx…

24 décembre 2007

Joyeux Noël

A l’arrêt de bus.
- Y sent vient !
- Ben c’est pas trop tôt car y fait frette.
- T’as-tu donc pas mis ton Kanuk ?
- J’ai pas les pièces pour m’ach’ter c’t affaire moe.
- Ben voyons, c’est pas pire d’économiser quelques huards pour t’sentir au chaud.
- Quelques Huards, t’es donc pas fin! Moe j’trouve que ça pas d’bon sens de mettre autant de pièces pour un manteau !

Le bus arrive. Ils mettent leurs valises dans la soute, tendent leurs billets au conducteur et s’installent pour un long voyage. Ils s’en vont passer les fêtes et tester les plaisirs hivernaux québécois dans une pourvoirie près du parc de la Mauricie : raquettes à neige, traineaux à chiens et joies de l’hiver et qui sait, rencontre avec le père Noël?.

"Traduction"
Frette : très, très froid
Kanuk : marque de manteaux pour les très grands froids
Huards : surnom donné aux dollars canadiens

24 décembre 2007

De dos

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Tourner le dos  à la vie

Refuser ses nourritures dociles

Et grimper à l’échelle des mots

Pour chercher la voûte bleue

D’un monde inaccessible.

* photo de R.B.

23 décembre 2007

Une histoire. Fin

Le facteur est là et en lui donnant son courrier, se montre plus bavard qu’à l’accoutumée. Elle comprend enfin qu’il attend ses étrennes. Elle remonte vite chercher un billet et content il repart en lui souhaitant un bon Noël.
Dans le courrier, entre les factures et publicités diverses, elle trouve la lettre avec le numéro manquant. Quand elle revient au salon, Kidou est assis sur la table basse, à côté des quatre autres lettres, il semble attendre quelque chose.
- Tu veux que je les lise, c’est ça ?
Elle reste debout, ne sachant que faire. Elle est dévorée de curiosité mais pleine d’appréhension. Elle pose la première lettre devant les autres et ces 5 carrés bleus donnent une touche colorée qui attire le regard. Les bras croisés, elle résiste. Menaces, excuses, supplications, haine, amour, quels messages cachent-elles ? En cette veille de Noël, elle n’aspire qu’au bonheur mais en a-t-elle le droit ?Kidou saute à terre et vient se frotter contre ses jambes, elle s’assied, il vient se lover sur ses genoux. Elle trouve ce chat étrange, comme un petit ange venu lui apporter réconfort dans ses moments de solitude.
Elle ouvre la première lettre, en sort 5 feuillets et se met à lire les mots tracés d’une écriture fine et élégante. Les minutes passent, la lecture est intense. Des émotions diverses passent sur son visage et les larmes font bientôt leur apparition. Elles coulent lentement le long des joues et vont se perdre dans son cou. Elle ne cherche pas à les sécher ni les arrêter, ce sont des larmes libératrices. Quand elle repose enfin la dernière feuille de la cinquième lettre, elle sent son cœur s’envoler comme libéré de l’étau qui l’avait enfermé depuis si longtemps. Elle prend le chat contre elle et le serre en enfouissant son visage dans sa chaude fourrure. Il se laisse faire et finit même par lui lécher le bout du nez. Elle rit, elle se sent bien, elle se sent redevenir belle et joyeuse.
Soudain le chat saute de son perchoir et va se poster derrière la porte, il a anticipé la sonnette qui retentit.
C’est lui !

Elle ne cherche même pas à effacer les traces sur son visage, elle dévale les escaliers, ouvre la porte. Devant elle se tient un homme jeune, dans ses bras, un petit garçon qui suce son pouce.
Elle les dévore des yeux puis, délicatement, en tremblant un peu, avance sa main et caresse la joue de l’enfant. Il la regarde de ses grands yeux bleus et demande à son père tout en continuant à la fixer.
- C’est qui la dame papa ?
- C’est ta grand-maman Jérôme.
Puis, en plongeant son regard dans celui de sa mère, il poursuit.
- Joyeux Noël maman.

23 décembre 2007

Comment faire pour oublier si je ne me souviens pas ?

Elle souffrait de ne plus se souvenir. Chaque jour la même douleur, quand elle se réveillait, quand elle pédalait sur son vélo ou quand elle travaillait au supermarché où elle avait été embauchée deux mois plus tôt.
Elle vivait avec un homme qu’elle ne connaissait plus, dormait dans le même lit que lui, faisait occasionnellement l’amour avec lui, passait un week end sur deux chez un couple qui s’était présenté à elle comme ses beaux-parents, ou presque beaux-parents, puisqu’elle n’était pas mariée avec l’homme avec qui elle vivait, mais qu’ils étaient sur le point de le faire avant l’accident, huit mois plus tôt. C’est tout au moins ce qu’il lui avait affirmé à l’hôpital quand il lui rendait visite.
Il lui avait dit que ce travail, c’était une chance, parce qu’après un traumatisme comme le sien, elle n’avait plus vraiment sa place nulle part ; bien sûr il ne lui avait pas dit comme ça, mais il le lui avait fait comprendre.
Depuis deux mois elle mettait en rayon des produits frais dans un supermarché à 6 kilomètres de chez elle. Un travail automatique qui lui laissait tout le temps de penser à autre chose. Ses collègues de travail étaient gentils, mais elle n’avait rien à leur dire. Leur parler d’elle, elle n’aurait pas pu, elle ne se souvenait de rien ; leur dire ce qu’elle ressentait, il ne valait mieux pas, ils n’auraient rien compris ; alors quoi ? Discuter des enfants ? Elle n’en avait pas. De la société ? Elle s’en foutait. Tout ce qui l’intéressait c’était elle et ses souvenirs  aux abonnés absents.
L’homme qui partageait sa vie lui avait dit d’oublier, mais oublier quoi, puisqu’elle ne se souvenait plus ? Il la considérait un peu comme une malade, cela se voyait bien dans ses yeux, mais il semblait l’aimer.  Comment pouvait-il aimer une femme vierge de tous souvenirs ? Une femme qui ne savait plus qui il était ? Je t’apprivoiserai lui avait-il dit lors de sa deuxième visite à l’hôpital, tu verras, je t’apprivoiserai…
Quand son corps et celui de l’ étranger s’emmêlaient au creux des draps, elle était touchée par sa façon presque douloureuse de  faire l’amour, comme si une faute avait été commise un jour…  Il connaissait le grain de sa peau, savait comment émouvoir son corps, et en faire jaillir des sensations qu’elle pensait perdues. Ce plaisir charnel lui faisait oublier l’absence de souvenirs, mais les années effacées reprenaient ensuite leur place, inexorablement.
Il la surveillait. C’était pour son bien, sans doute ; il avait peut-être peur qu’elle oublie plus, peur qu’elle ne retrouve plus le chemin de la maison, peur qu’elle parte avec un autre étranger… De temps en temps il ouvrait aussi son courrier, mais elle recevait tellement peu de lettres. Elle avait revu quelques-unes de ses soi-disant amies, mais pas une fois elle n’avait ressenti d’émotion en voyant leur visage ou en entendant leur voix.
Non, rien, rien ne lui rappelait rien… jusqu’à ce jour où -  surprenant une conversation entre l’étranger et sa mère, sur la terrasse, un soir de septembre - quelque chose se mit en place bien que tout demeurât encore flou. La mère de l’étranger conseillait « Tu devrais le dire à Lisa, il faut qu’elle sache qu’elle était enceinte de cet homme. On ne peut pas cacher à une femme qu’elle allait être mère… ».

22 décembre 2007

Une histoire. Suite 5

Etendue dans le noir, elle n’arrive pas à trouver le sommeil. Le silence qui l’entoure n’est ponctué que des bruits lointains des déneigeuses des rues avoisinantes. Un grattement à la porte lui fait lever la tête. Un miaulement suit. Elle se lève et va ouvrir la porte. Le chat se faufile prestement et saute sur son lit pour s’y installer. Elle hésite puis hausse les épaules et se recouche. Le chat vient s’étendre à son tour contre son flanc et se met à ronronner. D’une main douce, elle le presse un peu plus contre elle. Elle aime sentir ce petit corps chaud contre le sien. Elle s’endort aussitôt.

Le lendemain, elle se réveille tard. Encore passablement endormie par cette nuit sereine elle regarde sa montre et découvre qu’il est déjà 9h. Le chat n’est plus là, elle saute hors de son lit et quand elle pénètre dans sa salle de bains, marche sur une petite mare. Elle réalise soudain que ce pauvre chat n’a rien pour faire ses besoins. Elle le cherche et le trouve posté derrière la fenêtre du salon. Il tourne la tête quand elle s’approche, elle regarde au dehors comme lui et voit une silhouette familière tourner le coin de la rue. Elle murmure.
- Je savais que c’était lui.
Elle tourne les talons et se dirige vers les escaliers qu’elle descend. Effectivement, une lettre au papier bleu repose sur le sol. Elle la saisit et retourne au salon. Elle est debout devant la table basse où reposent les autres, elle hésite puis y jette la quatrième et va s’habiller. Elle se poste devant son ordinateur pour rédiger un avis de recherche. Elle enfile ensuite ses bottes, met son manteau, attrape son sac et sort non sans avoir donné à manger à son petit hôte.
En rentrant elle s’adresse au chat qui l’attendait derrière la porte, elle semble très en colère.
- Je sais comment tu t’appelles et d’où tu viens. Tes maîtres sont des salauds. Tu excuseras mon langage mais il n’y a pas d’autres mots. Ils sont partis en vacances et t’ont laissé à la rue. C’est monsieur Thiang, le dépanneur du coin qui me l’a dit.
Elle déballe ses sacs et installe le bac à litière dans la salle de bains et des écuelles toutes neuves dans la cuisine puis fait claquer les placards comme si elle essayait de faire passer sa colère. Quand elle revient au salon, elle trouve Kidou, car tel est son nom, toujours posté derrière la fenêtre. Elle reprend les lettres et les examine une fois de plus. Elle note alors une particularité qu’elle avait omise : les lettres sont numérotées de telle façon qu’elle réalise qu’elle devrait en avoir 5 en tout. Elle aligne les missives sur la table et reste pensive sur cette série incomplète.

Au coup de sonnette, elle sursaute.

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