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31 mars 2018

Duo de mars

Suite de notre Duo de mars avec Caro du blog les heures de coton.  Voici mon texte :

 

Peau

 

 

Peau d’âme

Dès leur première rencontre, elle l’avait appelée Peau d’âme, en souvenir de ce conte qui l’avait bercée dans son enfance. Mais d’où venait Peau d’âme ? Nul ne le savait et elle, peut-être encore moins que les autres.

Peau d’âme disait l’aimer et adorait creuser en elle des tunnels d’émotions qui la laissaient exsangue ; mais jusqu’où irait-elle ?

Elle savait qu’un jour il faudrait lui fausser compagnie pour toujours mais comment ? Peau d’âme ne la quittait jamais des yeux.

C’est dans ce train qui l’emmenait vers le Sud, pour l’une de ces cousinades où la futilité des conversations n’aurait d’égal que l’absence d’authenticité des liens, qu’elle sut que le moment était venu.

Le train roulait en rase campagne. Elle écoutait les gymnopédies de Satie et se repassait en boucle son arbre généalogique pour ne pas faire d'erreurs - les noms, les prénoms, les degrés de parenté -  quand une impulsion soudaine l’avait poussée à se lever de son siège et à hurler en pointant un doigt accusateur dans le vide : Ça suffit,  tu n’auras pas ma peau ! Jamais, je te le dis, jamais ! Plutôt te tuer !

 Les voyageurs, médusés, avait tourné la tête vers elle et quand elle s’était rassise, chacun  s’était replié sur son île comme si de rien n’était, sauf un homme. Il lui avait donné son nom – M. Jung – et il s’était assis à ses côtés sans aucune autre forme de cérémonie. Son costume sombre tranchait avec ses yeux gris-bleus et son sourire lumineux.

 Après un silence, il lui avait demandé avec un fort accent allemand.

- Mademoiselle, je peux savoir qui veut votre peau ?

- Peau d’âme, avait-elle répondu.

- Ah, elle est retorse ! Il vous sera difficile de vous en défaire ! Et la tuer, je ne vous le conseille pas.

- Pourquoi ?

- Tuer ne résout rien, croyez-moi. J’ai moi aussi connu une Peau d’âme retorse il y a cent ans, et elle a bien failli me voler mon âme alors qu’elle disait m’aimer.

 - Cent ans ? Vous en êtes sûr ?

- Aussi sûr que je m’appelle M. Jung. Je me souviens d’elle comme si c’était hier. En tout cas,  je peux vous dire qu’à partir du moment où j’ai changé d’attitude avec elle, elle aussi a changé, parce que voyez-vous, ces Peaux d’âmes sont très sensibles. Seule l’empathie les dépouille de leur sauvagerie. Tenez, prenez ma carte au cas où.

 On annonçait l’entrée en gare d’Avignon. Il se leva, prit sa valise et descendit. Etait-ce un illusionniste ou un illuminé ?

 Une fois sur le quai, il se tourna vers elle et lui fit un signe amical  de la main auquel elle répondit. Elle pensa qu’il  se tenait bien droit pour un plus que centenaire.

 Après le départ du train, elle lut sa carte de visite et ne put s’empêcher de sourire :

 

M. C.G. Jung, éveilleur d’âme.

« Si vous voulez devenir ce que vous êtes »,  prenez rendez-vous au numéro suivant :

10 20 30 40 50 et plus, si affinités…

 

PS : photo prise à Rouen

29 mars 2018

Duo de mars

Voici notre Duo de mars avec Caro du blog les heures de coton. Ce mois-ci il s'agissait d'écrire à partir de cette photo que j'ai prise à Rouen. Aujourd'hui vous pouvez lire le texte de Caro, le mien sera publié le 31 mars.

 

Peau

 

Peau d’âme

Je pousse la porte de la boutique Peau d’âme pour découvrir un intérieur aussi énigmatique que le soin « Il était une fois… » glissé sous le sapin du dernier Noël. L’instigateur de cet étrange cadeau ne s’était pas manifesté et nous étions si nombreux à nous empiffrer lors de cette fiesta familiale qu’il m’avait été impossible de découvrir le mystérieux donateur. D’ailleurs j’avais trop bu. Et je venais de poser mes valises chez ma grand-mère après dix ans passés à l’étranger. La demeure m’était apparue plus étrangère que Long Island.

Un rideau se soulève et un homme apparaît, visiblement prévenu par le bruit de clochettes de la porte d’entrée. Il a des yeux de chat et une peau mate. La silhouette me semble familière. Dans ce lieu étrange où flotte une vague odeur de vanille et d’essence boisée, tout me semble incongru, familier et merveilleux à la fois. L’homme lit rapidement le carton qui m’a été offert et m’invite à le suivre dans une pièce minuscule. Je ne quitte pas des yeux son étrange turban vert chargé de breloques. Alors qu’il me désigne une table de massage, je m’enhardis à lui demander pourquoi la boutique s’appelle Peau d’âme.

« Appelez-moi Franz. Ici je sonde votre peau, j’atteins et apaise votre âme. Plus besoin de se cacher. Vous allez découvrir ce que dissimule votre enveloppe sociale, celle dans laquelle vous vous réfugiez depuis toujours. » Il se tait. Une douce clarté envahit la pièce coupant court à mes demandes d’explications.  Ma méfiance naturelle s’est évaporée et je sens que même si je cherche à la réveiller elle m’échappera. Je passe dans le réduit qui sert de vestiaire ­-je suis dans la chaumière des 7 nains ma parole ! -, posant un à un mes vêtements sur une chaise et enfilant le peignoir nacré visiblement laissé à mon attention. J’entends une musique diffuse qui ajoute à la quiétude du lieu.

L’homme m’attend. Je m’installe tranquillement sans pourtant me départir de cette tenace impression de déjà-vu : je connais ce Franz, sous un autre nom. Quelque chose dans le regard, dans la posture, le phrasé, l’aura qui sait. Cette certitude s’accentue alors que ses mains s’approchent de moi à la recherche de la peau de mon âme. Qui est-il ? Il était une fois où je l’ai déjà rencontré.

Alors que je réintègre ma tenue de ville, Franz me demande si je compte revenir. Je lui souris et pars comme si je m’enfuyais. Dans la rue mon sourire ne me quitte pas ; j’ai laissé ma bague dans la cabine.

Il ne faut jamais sous-estimer l’aspect pratique des choses. Et il faut bien que les princes récupèrent leurs princesses une fois les peaux d’âme envolées.

27 mars 2018

A toi de jouer

CARTEIl était sorti du jeu de cartes sans crier gare et lui avait dit : « pique, cœur, trèfle ou carreau, choisis, mais vite, sinon ton tour va passer et tu vas encore jouer à la victime. »

Elle le regarda courroucée. C’en était trop. Comment ce valet que le roi et la reine foulaient aux pieds – sans parler de l’As -  se permettait-il de lui donner des conseils !

Elle se radoucit pourtant. Elle venait de remarquer ses yeux fardés et son anneau à l’oreille droite. N'était-ce pas  le pirate qui apparaissait dans ses rêves ? Celui qui lui avait intimé de sortir d’elle pour la dernière ligne droite

 

PS : cette carte a été créée par  Patricia, que je n’oublie pas. Merci Patrick de me l’avoir envoyée.

 

25 mars 2018

A chaque âge...

A 20 ans, on la disait laide ; à 30 ans on lui trouva une ressemblance avec Alice Sapritch ; à 50 ans, on clama qu'elle ne faisait pas son âge ; à 60 ans on lui trouva soudain du charme et à 80 ans, tout le monde s'accorda à dire que c'était une charmante vieille dame.

23 mars 2018

l'apparition

olga

 

L’apparition

 

Elle avait choisi Lisbonne comme refuge. « Lisboa » - disait-on dans ce pays presque oublié de l'Europe -  une cité inconnue qu’un  poème, abandonné sur un banc de la ville où elle vivait alors, lui avait esquissée devant ses yeux lassés de pleurer. Elle se rappela les premiers vers du poème tandis qu’elle traversait « o terreiro do paço » faisant rouler derrière elle son énorme valise noire.

 

Je dis :

“Lisbonne”

Quand je traverse – venant du sud – le fleuve

Et la ville où j’arrive s’ouvre comme si elle naissait de son nom

Elle s’ouvre et se lève dans sa splendeur nocturne

Dans son long miroitement de bleu et de fleuve

Dans son corps entrelacé de collines

Je la vois mieux parce que je la dis
Tout se montre mieux parce que je dis

Tout montre mieux son être et sa carence
Parce que je dis
(…)

 

C’est en remontant la rue Prata qu’elle vit la femme sans nom, dans sa robe de brume ourlée de dentelles de lumière. Elle souleva le rideau de pluie et s'arrêta devant elle, la fixant de ses yeux où l'absence avait creusé deux cernes de mélancolie.

Son immobilité lui imposa d’abord le silence, mais elle s’enhardit et lui murmura les premiers vers  du poème de Sophia de Mello. Sans doute ceux-ci la touchèrent-ils car son masque blanc s’anima et sa main lui tendit un pendentif argenté. Elle le prit et l’ouvrit. A l’intérieur un seul mot : « saudade ».

Elle voulut la remercier mais la femme avait déjà disparu.

Une fois le pendentif à son cou, elle regarda  les nuages qui traçaient  leur chemin de pluie dans l'immensité du ciel. Maintenant, il ne lui restait plus qu'à suivre les motifs qui ornaient les pavés glissants et le destin aurait fait son oeuvre. Ceux-ci  la conduisirent devant  l’hôtel flor da baixa.

Elle entra sans hésiter. La réceptionniste lui annonça qu’on l’attendait plus tôt, mais que ce n’était pas grave, elle pouvait prendre possession de sa chambre.

 

-     Mais je n’ai pas réservé, s’étonna-t-elle.

-    Quelqu’un a réservé pour vous, s’entendit-elle répondre. D'ailleurs, vous avez le pendentif - et elle lui montra le médaillon argenté autour de son cou - c'est ça qui est le plus important.

 

La jeune femme de la réception faisait un bruit de gorge étrange en prononçant les "r" et sa phrase avait une musique inhabituelle.  

Elle accepta la clef tendue.

 

–     Quarto número 13, primeiro andar – dit-elle en  lui désignant l’ascenseur.

Quand elle entra dans sa chambre, elle vit une enveloppe blanche déposée sur le couvre-lit rouge.

La lettre qu’on y avait glissée disait :

 

Les amours passent, mais pourquoi leur ombre nous condamnerait-elle à la mélancolie ?

Lisbonne vous attend

Aimez-la, et elle vous aimera, infiniment.

L’inconnu

 

PS : photo gentiment prêtée par Olga da Silva Marques

 

21 mars 2018

Le coq

Il y a deux semaines, j’ai entendu le cri d’un coq. Un coq ? Ici ? En centre ville ? Incroyable ! Mais comment il est arrivé ce coq ? J’ai demandé à mon mari s’il l’entendait. Peine perdue, il devient sourd. Alors j’ai ouvert la fenêtre en grand et je lui ai dit.


- Et maintenant, tu l’entends le coq ? Il l’a entendu.
- Tu crois que c’est un vrai ? Lui ai-je fait
- Pourquoi voudrais-tu que ce soit un faux ?


Je n’ai pas aimé le ton léger avec lequel il a dit cette dernière phrase. Comme si ce coq n’avait aucune importance !

Il  m'est odieux, ce coq. Son cocorico a la régularité d’un métronome. Maintenant, je ne pense qu’à une chose : le tuer !

19 mars 2018

X

20180306_144318En rentrant de vacances, il avait trouvé une chaussure de femme sur sa boîte aux lettres.  Qu’attendait l’esseulée ? 

Il se demandait si ce n’était pas un « coup de théâtre » de X,  l’inconnue rencontrée un an plus tôt lors d’une soirée chez des amis.

Que lui voulait-elle et que devait-il lire dans ce symbole phallique ?  Sans doute X se vengeait-elle car il avait eu l’audace de s’évader de la geôle qu’elle lui avait construite sur mesure.

Ne lui signifiait-elle pas aussi qu’elle aurait eu plaisir à écraser son mégot de « Moi »  sous son talon pervers ?

X, c’est certain, n’était pas femme à lever le pied ! Il se souvenait d’ailleurs – ironie du sort -  qu’il n’avait pas pu prendre son pied avec elle.

17 mars 2018

Le bulletin

Voilà, il l’avait bien mérité, elle lui mettrait exactement ça sur son bulletin scolaire, même si elle savait parfaitement que cela ne ferait nullement avancer les choses :

« Ne fait rien avec conscience et régularité et contribue grandement à être acteur de son ignorance ! »

15 mars 2018

Le voilier fantôme

 

ksenia

 

 

C’est un bateau qu’elle voyait souvent sur l’océan de ses rêves. Quand la brume était épaisse, sa corne puissante effrayait les goélands qui hantaient son inconscient. Le capitaine du voilier avait une barbe d’un siècle et s’appelait John Thompson. Il aimait le rhum et les femmes, une dans chaque port, bien sûr ; son inconscient n’avait pas peur des clichés.  

Le peuple de ses rêves l’appelait le voilier-fantôme parce qu’il apparaissait et disparaissait sans que l'on sût pourquoi. Quant à  John Thompson, il avait bien existé ; c’était un journaliste dont la barbe avait eu sur elle un effet aphrodisiaque. Elle l'avait rencontré  au Guardian,  où elle avait fait un stage, juste après son Master d’anglais qui ne lui avait pas donné grand-chose, à part faire des remplacements de professeurs - malades d'enseigner - auprès d'élèves qui anonnaient l'anglais en s'accrochant désespérément  à leur accent français.

Elle avait un peu couché avec John Thompson, mais d’orgasme point car, malgré sa barbe et ses aventures dignes d’un loup des mers, John ne connaissait ni l’art ni la manière et son "sextant" avait quelques ratés. Dans son rêve, il lui hurlait souvent « Vire de bord, love, vire de bord, et cap sur la liberté ! ».

Oui, il était temps d’écouter John Thompson, elle allait virer de bord et larguer les amarres…

 

PS : photo gentiment prêtée par Ksenia

 

13 mars 2018

La perle rare

Il cherchait le slip idéal, la perle rare, celui qui vous donne envie de le garder jour et nuit, mais aucun slip ne trouvait grâce à ses yeux.
Pour lui le slip devait remplir trois grandes fonctions : suspendre, camoufler et maintenir ; sans doute était-il trop exigeant. Il attendait toujours trop des objets.

Il avait parcouru tous les magasins possibles et imaginables, avait passé commande dans tous les catalogues de vente par correspondance, mais toujours rien. L’ampleur de son désespoir n’avait d’égal que la hauteur de la pile de slips qui s’entassaient sur son étagère.

Et s’il n’en mettait plus ?

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